Courant conducteur

Il s’est d’abord assis sur le siège des autobus CarAlliance, puis sur celui de la Chambre de Commerce et d’Industrie Pau Béarn. Et Didier Laporte a démarré, entraînant dans son sillage des passagers de tous bords. Ce président-militant roule pour son territoire depuis 25 ans.

Ça commence par un pot de miel. Didier Laporte, adolescent béarnais de 14 ans, est récompensé pour ses résultats scolaires. « Qu’est-ce qui te ferait plaisir, mon fils ? » Réponse : une ruche ! « À l’époque, les abeilles me fascinaient vraiment… » Fascination pousse à réflexion : le gamin réalise que ses abeilles pourraient lui offrir son premier argent de poche. Ni une, ni deux, il part vendre son miel sur l’étal de sa grand-mère, au carreau des Halles de Pau. La bosse du commerce vient de le frapper plein front, en cet automne 1982.

Et il va remettre au pot. Dans son lycée en Terminale, l’élève Didier Laporte crée un club d’investissement, qui confirme ses prédispositions. La suite ? Prépa Sup de Co’, Bachelor de l’ESC Pau et un diplôme universitaire de transport logistique, pour intégrer l’entreprise familiale de transport en autocar. Une évidence ? Surtout pas. « J’ai grandi sans mes parents, qui étaient pris dans le quotidien de la société. Je leur en ai voulu d’être aussi souvent seul, et j’en formais presque du rejet pour CarAlliance ». Le goût de l’entreprise le ramène cependant au bercail. Mais pas en mode « fils de » : Didier Laporte occupera pratiquement tous les postes de l’entreprise avant d’en prendre les rênes, en 1999.

Né à Pau, Béarnais jusqu’au bout des pneus, il imagine une entreprise qui carbure au service de son territoire. À cet effet, il diversifie CarAlliance : transport scolaire, transport de personnels pour les entreprises du secteur, location de bus avec chauffeurs, transport urbain de Lourdes, location de vélos électriques, il explore toutes les facettes du métier. Sauf une, celle des lignes régulières longue distance, dont le modèle économique ne l’a jamais convaincu.

Même s’il n’investit pas dans les « lignes Macron », l’homme embarque beaucoup de monde sur son trajet. CarAlliance affiche aujourd’hui 300 salariés au compteur, et 13 dépôts de bus répartis sur deux départements.

Certains collaborateurs n’usent pas la gomme mais élargissent la gamme : un pôle de CarAlliance est dédié aux services à la personne et au maintien à domicile des personnes âgées. Une initiative inspirée par les dessertes en milieu rural. « Recruter des auxiliaires de vie n’est pas simple, car le métier est exigeant. Mais c’est un maillon essentiel pour les personnes isolées, donc on ne lâche pas ».

Économie sans frontières

On ne lâche pas et on avance. Forcément, conduire une entreprise de transport vous emmène un peu plus loin. Conseiller Prud’hommes de Pau en 2001, élu CCI Pau Béarn en 2004, trésorier de la CCI en 2007, Didier Laporte est président de la chambre consulaire depuis 2016.

Photo CCI Pau Béarn

Une fonction qui épouse sa vision du syndicalisme patronal et offre un support idéal à son cheval de bataille : l’union des forces locales. Mais quand Didier Laporte parle « local », il se refuse à toute limite administrative. En témoigne son entreprise béarnaise, qui est également implantée en Hautes-Pyrénées. « Le bassin de l’Adour et les Pays de l’Adour auraient tout leur sens dans le cadre d’une région consulaire, j’en suis convaincu. Soyons réaliste, l’économie ne sera jamais cantonnée à des frontières départementales ou régionales ! Dès lors, pourquoi ne pas créer un bassin économique ? La problématique des aéroports de Pau et Tarbes, distants de 40 km et en concurrence territoriale, témoigne de la pertinence de cette approche. Et s’il se concrétise, le projet de liaison aérienne commune pour la desserte de Paris-Orly serait un cas d’école inspirant pour nos territoires : nous passerions outre nos frontières administratives, au nom de l’intérêt général ».

S’adapter pour construire un futur viable, les CCI l’ont déjà fait. Le défi imposé à leur réseau national, qui ont vu leurs ressources fiscales rabotées à chaque réforme gouvernementale, a été relevé. À la CCI de Pau, il tient en deux chiffres : 9 M€ de ressources fiscales en 2007, 2 M€ aujourd’hui. Une succession de coupes franches qui a poussé à la suppression de 30 postes, en 2018. « Mais nous nous sommes adaptés et quelle fierté de constater que nos efforts ont payé : nous avons retrouvé nos effectifs de 2018 et la CCI Pau Béarn est redevenue un acteur majeur dans le paysage économique ! Les services dédiés à la transmission d’entreprise et la formation portent désormais haut nos couleurs. »

Par contraste, la pâleur actuelle du climat politique français l’interpelle. L’état des finances publiques, la stratégie budgétaire, la visibilité pour les entreprises, autant de sujets d’interrogation pour ce dirigeant engagé. Mais Didier Laporte en a vu d’autres : il faudra plus qu’une énième secousse au Palais Bourbon pour le forcer à une sortie de route.

Marc Dupeyron - Tél. : 06 75 35 85 98 - contact@marcdupeyron.fr