Capitaine au long cours

De prof de lycée à président de la CCI Bayonne Pays Basque, il y a un océan. André Garreta l’a traversé, fort de ses convictions pour faire avancer l’économie locale. Rencontre avec un visionnaire.

Sans doute, dans une autre vie, André Garreta était-il de ces navigateurs basques qui, longue-vue en main, donnaient le cap.

Autre époque, autre mœurs. Aujourd’hui, le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Bayonne Pays Basque en est plutôt à éclaircir l’horizon des entreprises.

Cette inclination à ouvrir la voie, il l’a défrichée très tôt. Premier emploi, premier indice : il est prof, section droit et gestion, au lycée Paul Bert de Bayonne. Cinq ans à dispenser la juste parole, mais le costume devient trop étriqué. Pour lui, la fin des cours a sonné et André Garreta prend la clé des champs. Ou plutôt les clés des gens : il se lance dans le métier d’agent immobilier, où sa formation lui sera très utile. Un virage à la force de caractère, denrée abondante chez ce fils de douanier où l’on vivait modestement. « J’ai démarré avec rien. J’ai dû vendre ma voiture et ma planche à voile pour trouver un peu de liquidités ! Par chance, dans les années 80, j’étais le seul engagé sur le créneau de l’immobilier d’entreprise. »

Le marché des locaux, le local y prend goût. Il créé jusqu’à six agences sur le Pays basque et transforme l’intuition en success story. Une réussite dont il aspire à partager les enseignements. « Le développement économique de mon territoire, c’est ce qui me fait me lever le matin. M’engager aux côtés de ceux qui partagent la même ambition tombait sous le sens. »

En 2010, il fait donc un choix : réduire la voilure en se séparant de toutes ses agences - sauf celle d’Anglet - pour prendre la barre de la CCI Bayonne Pays Basque. Une forme d’évidence pour celui qui s’était déjà investi dans les fonctions syndicales (il fut vice-président national de la CGPME, aujourd’hui CPME) et les mandats de la chambre consulaire.

Jambon et gens bons

Président ? « Une fonction bénévole qui vous occupe à plein temps ! La CCI, c’est la gestion du port de Bayonne, le centre de formation, les services de conseil aux entreprises, le développement économique... Si vous n’êtes pas passionné, évitez ! » Passionné, il l’est, et ça fait trois mandats que ça dure.

Mais il ne la joue pas solo. L’équipe, c’est la base. « Nous sommes tous engagés autour d’une stratégie claire : agir pour un territoire à la croissance maîtrisée et favoriser l’économie circulaire. À Paris, on me parle souvent du jambon de Bayonne, du piment d’Espelette et du gâteau basque. Nous sommes très fiers de ces fleurons agroalimentaires mais aujourd’hui, le Pays basque, c’est aussi une terre d’innovation et de recherche, initiée par notre école d’ingénieurs ESTIA spécialisée dans les filières d’avenir : la robotique, la mécatronique, les systèmes embarqués, l’intelligence artificielle… »

Objectif avoué : construire un écosystème qui favorise la réindustrialisation des PME-PMI locales sur des normes d’avant-garde. « Cet écosystème, il a pris vie dans les plateformes que nous avons créées, avec l’aide du président de Région Alain Rousset et de l’Europe. La dernière en date, le Cetia d’Hendaye, est dédiée à la recherche et l’innovation dans le domaine du recyclage et de la réutilisation des articles textile et cuir. Les plateformes de la CCI, ce sont mes plus grandes fiertés. Avec elles, on aide nos entreprises. » La démarche séduit incontestablement : des startups

de tous horizons s’installent au Pays basque, attirées par cette terre fertile en outils novateurs..

Ça pousse fort, et l’engrais n’est pas épuisé. « Notre prochain lancement, c’est l’École de Management international Sud Atlantique. Les entreprises ont besoin de bons managers et de solutions de formation pour leurs salariés. J’ai toujours été versé dans la formation, c’est la clé pour avancer et prospérer. Tout comme la veille stratégique, un domaine dans lequel on doit s’améliorer. »

Sur les traces de Nelson

Accaparé par les défis territoriaux, l’homme n’en oublie pas son agence d’Anglet, qui mixe immobilier d’entreprise et immobilier d’habitat. En trois décennies, il en a vu passer, des acquéreurs… Un l’aurait honoré à pousser sa porte, s’il avait cherché à se loger ici-bas : Nelson Mandela. « Cet homme extraordinaire a tout construit autour d’une phrase : « Je suis maître de mon destin, je suis capitaine de mon âme ». La force de cet individu… Je me suis rendu en Afrique du Sud pour refaire son parcours, tant cet homme m’a inspiré. J’ai visité tous les lieux emblématiques de sa vie. Une forme de pèlerinage... »

À 64 ans, sa vie à lui est toujours autant remplie. Il y a même casé des interventions à la Cour d’appel de Pau, en tant qu’expert judiciaire. Essoufflé, André Garreta ? Que nenni. Il entretient sa forme en parcourant la montagne basque à VTT et en randonnée, puis redescend faire de la voile. Tiens, justement, un sportif inspirant pour le chef d’entreprise ? « Sans hésiter, Antoine Dupont, le joueur de rugby. Il est incroyable ! Il a la vision, la volonté, il organise le jeu, prend des risques en sortant de sa zone de confort... » La référence tient du mimétisme.

Combatif, opiniâtre, l’homme est d’abord un passionné. « Vous savez, quand notre équipe CCI accompagne un patron en difficulté et qu’au bout du chemin, l’entreprise et les emplois sont sauvés, franchement, je suis fier. On sert à quelque chose… »

Par souci d’économie, on ne regarde pas toujours à la dépense d’énergie.

Marc Dupeyron - Tél. : 06 75 35 85 98 - contact@marcdupeyron.fr